Archives de Catégorie: Vue d’Ailleurs

La satire américaine n’a peur de rien, et surtout pas de la crise

« Je pensais vouloir une nouvelle ère de transparence et de responsabilité, mais honnêtement je ne suis pas capable d’y faire face. A partir de maintenant, dites moi simplement les mensonges que j’ai envie d’entendre! »

Drôle de requête que celle de Nathan Pletcher, résident de l’Ohio… et pour cause, elle fait partie d’un des réjouissants canulars de The Onion. Le site américain qui cartonne a fait de la vraie fausse info tout un concept .

Sur son exemple, nombre de ses homologues satiriques américains s’en donnent à coeur joie sur la crise,dans la bonne humeur et sans tabous. Le dernier buzz video? Un reportage du Colbert Report qui met en scène The Prescott Group, une puissante compagnie qui réclame avec insolence un plan de sauvetage pour rattraper ses dérapages passés… Son argument: « nous sommes trop important pour qu’on nous laisse tomber! » Le show satirique de la chaîne Comedy Central a fait de « l’infotainment » – comprenez l’information-divertissement – son leitmotiv.

Les vidéos Vodpod ne sont plus disponibles.

Un peu plus tôt, ce sont les féroces personnages de la série South Park qui vivaient en direct l’annonce de la crise financière. Un délice d’humour noir…

Marion Solletty

Christine Lagarde sur le Daily Show

Christine Lagarde sur le Daily Show? De quoi donner des sueurs froides aux équipes de Bercy, qui tremblaient de voir la ministre face au pétillant Jon Stewart, le présentateur de la très populaire émission satirique. Le show de Comedy Central est regardé par des millions d’américains. Mais Christine Lagarde vient en familière du pays de l’Oncle Sam, et s’en sort plutôt bien…

Les vidéos Vodpod ne sont plus disponibles.

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Marion Solletty

En Irlande, on infantilise contre la crise

Le site itsyourmoney.ie est à l’Irlande ce que la nouvelle campagne de la RATP dans les wagons est à la France : un bel exemple d’infantilisation.

Crédit photo: tonyhall / Flickr

Crédit photo: tonyhall / Flickr

Prendre les gens par la main, leur parler comme à des enfants et enfoncer des portes ouvertes: tout cela se pratique allègrement dans les pays post-industriels.

La République d’Irlande, où un site internet très officiel apprend à ses concitoyens comment mieux gérer leur argent, n’échappe donc pas à cette tendance. Dernier fait d’armes d’itsyourmoney.ie : comment économiser simplement 2300 euros par an, et gagner 540 euros supplémentaires d’intérêts annuels.

Pour que ces 3000 euros se retrouvent dans la poche des Irlandais, ces derniers peuvent, pêle-mêle, supprimer un abonnement à un magazine, pour économiser ainsi 150€ par an (les journalistes irlandais apprécieront) ou encore préparer eux-mêmes leurs déjeuners, pour une économie d’environ 1300€.

Livrons-nous donc à un exercice d’imagination:  on peut également recommander aux Irlandais de diviser leur nombre de tartines  matinales par deux, pour une économie annuelle totale d’environ 60 euros ; ou encore leur conseiller de réduire leur consommation de Guinness, pour une économie… forcément variable.

Quoi qu’il en soit, les Irlandais doivent certainement dire thank you au Régulateur Financier, organe géré en partie par la Banque Centrale d’Irlande , et père de ce site internet.

Une autre page du Recession Survival Guide, ou manuel de survie de la récession, nous apprend qu’il est préférable de rembourser ses crédits existants avant de commencer à épargner;  le taux d’un emprunt pouvant s’élever à 12%, et le taux d’intérêt sur un livret d’épargne n’étant que de 3%. Fichtre ! Heureusement que la Banque Centrale est là !

Est-ce une coïncidence ? Dans le contexte actuel de chute du Produit Intérieur Brut, le gouvernement irlandais a lancé le 20 avril dernier une large politique pour que leurs sujets remontent sur leurs vélos.

Reprise par le site Internet belge de RTL, l’AFP y a vu un moyen de lutter contre les effets de la crise économique et réduire la facture énergétique. Ce n’était pas l’avis de l’Irish Times, quotidien de référence du pays du trèfle, ni de l’Independent, qui n’évoquent pas de lien avec la dure récession qui frappe leur pays. Alors qui croire ?

Félix Briaud

J’irai dormir à AIG

aig3Dans le documentaire français, J’irai dormir à Hollywood, Antoine de Maximy a obtenu un plan sur lequel sont indiquées les maisons des célébrités d’Hollywood, comme George Clooney ou Tom Cruise. À la fin du film, il se  présente à l’entrée du garage de Steven Spielberg, mais il est éconduit par la sécurité.

Le plan des domaines des acteurs peut en effet être acheté dans n’importe quelle rue  d’Hollywood. Mais ces derniers jours, une autre visite est de plus en plus populaire, celle des résidences des directeurs d’AIG (American International Group) – la grande entreprise américaine spécialisée dans la vente d’assurance.

L’indignation « populiste » contre les 165 millions de dollars payés aux salariés d’AIG avait amené la puissance publique  à prendre en main la situation. Le 21 mars, « The Connecticut Working Families party » a organisé une visite en bus des résidences des directeurs d’AIG, situées sur  le comté de Fairfield, dans le  Connecticut.

Voici ce que l’on trouve sur leur site :

« Nous sommes très fâchés contre AIG. Leurs directeurs portent une partie de la responsabilité pour avoir mis l’économie à genoux, et maintenant, les mêmes  personnes reçoivent des centaines de millions de dollars de primes – à nos frais. Rassemblons-nous lors d’une sortie éducative pour leur faire passer le message. »

Vingt manifestants environ, accompagnés des médias internationaux et nationaux qui les surpassaient en nombre, ont fait un arrêt aux maisons de Douglas Poling et James Haas – les deux hommes ont travaillé pour la division produits financiers, désormais très connue. Surnommé « Jackpot Jimmy » par le New York Post, Haas a accepté de rendre la prime qu’il avait touché avec Poling.

Le 18 mars, Edward Liddy, le président-directeur général d’AIG, a dit au Congrès américain que les primes ont entrainé des menaces de morts et qu’il était peu disposé à nommer les  persones devant recevoir des primes parce qu’il a craignait pour leur sécurité.

Selon Joe Nocera, dans un éditorial du The New York Times, les huées du publix et aussi la réponse  du Congrès américain sont peu productives et sapent les efforts fédéraux pour reconstruire l’économie. De plus, ce jeu de responsabilité détruit la valeur de l’entreprise, incluant ses « bons » côtés. Ce n’est pas juste que les clients vont aller ailleurs, mais les employés aussi souhaitent de partir.

Dans un email à Liddy, Jake DeSantis, le vice-président exécutif de la division produits financiers d’AIG, a soumis sa démission. Il a exprimé son souhait de donner toute sa prime, environ 742.006,40 de dollars après les impôts, aux organisations qui aident les gens qui souffrent de la crise financière.

Peut-être est-ce ce paragraphe, écrit par Nocera, qui résume les sentiments de la plupart des Américains à propos du scandale :

« En fin de la semaine, j’étais plus déprimé par la crise financière que je ne l’avais été depuis septembre dernier. À ce moment-la, le problème a été la destruction du système financier, dont la faillite de Lehman Brothers a provoqué une réaction en chaîne terrible. Maintenant, je m’inquiète de la réponse politique qui peut être pire que la crise. L’administration Obama semble avoir perdu son influence sur le Congrès américain, pendant que le ministère des finances est toujours pris au dépourvu par de mauvaises nouvelles. Et le Congrès américain, avec ses hurlements de colère, sa réaction chaotique et épisodique à la crise, et en jouant impudemment de son influence, ne peut pas se contrôler. »

Le 19 mars, la chambre des députés a approuvé une proposition de loi, qui taxe 90% des primes payées aux salariés des entreprises recevant de grandes sommes des fonds fédéraux.

Comme Nocera le remarque, la proposition de loi ne dit rien des primes qui ont été payées avant 2009, signifiant que la plupart des primes ne seront pas touchées.

Ce sont de bonnes nouvelles pour le 200 employés de Merrill Lynch, une entreprise américaine de services financiers, qui ont reçu au total 3,6 milliards de dollars à la fin de l’  année dernière. À cette heure, aucune visite en  bus n’est prévu pour visiter leurs résidences.

Euna Lhee

La NBA plûmée

 

Kevin Garnett, joueur le mieux payé de la NBA avec un salaire annuel de 24,75 millions de dollars

Kevin Garnett, joueur le mieux payé de la NBA avec un salaire annuel de 24,75 millions de dollars

Pendant longtemps, la N.B.A. fût considérée comme la fille prodigue – trop prodigue – du sport professionnel. Pourrie et gâtée par un flot continu de contrats publicitaires gorgés de dollars, la National Basket Association d’outre-atlantique et ses clubs signaient à des armées de basketteurs des chèques à plus de six chiffres. Jusqu’à aujourd’hui. Vache grasse et vigoureuse des années 90, la N.B.A est désormais sous-perfusion.

Depuis le début de l’année, la N.B.A.  est en crise et ses clubs en manque de liquidités. Hausse exponentielle des salaires, hausse du coût d’entretiens des complexes sportifs, baisse du sponsoring, à ceux qui croyait que le sport US était invulnérable, la réponse est non.  Et les dirigeants de la N.B.A. l’ont bien compris. Le 26 février dernier, ce sont près de 175 millions de dollars qui ont été accordés à titre de prêt au basket américain par les banques J.P. Morgan Chase et Bank of America. Cette somme devrait être redistribuée entre les quinze équipes les plus en difficulté de la ligue, chacune pouvant emprunter au maximum 11, 6 millions de dollars. Parmi ces équipes qui flirtent avec le rouge, les Magics d’Orlando dont les pertes annuelles s’élèvent à environ 20 millions de dollars depuis cinq ans ou encore les Kings de Sacramento qui ont perdu 25 millions de dollars en 2008. Avec cette aide, le basket US devrait éviter l’écueil du  « jugement dernier », se rassurait dernièrement David Stern, commissaire général de la N.B.A. A croire que la catastrophe a été évitée d’un cheveu.

Une soixantaine de joueurs émergents à plus de dix millions de dollars par an, plus de 300 à un millions de dollars, des masses salariales qui peuvent froler les cent millions de dollars par clubs (la palme revient aux Dallas Cowboys avec quelques 97 millions de dollars), voila donc la principale raison de la gabegie du basket yankee : les salaires de ces chers joueurs. La faute, entre autres, à un contrat signé en 2005 entre la N.B.A. et le syndicat des basketteurs professionels assurant à ces derniers le reversement en salaires de 57% des revenus de la ligue et des clubs.

David Falk, ancien agent de Michael Jordan, est l’un des premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme dans un interview accordé au New York Times. Selon, lui, « si rien n’est fait, les propriétaires de clubs stopperont très probablement leurs activités ». Pour Falk, les principaux profiteurs du système actuel sont les joueurs « moyens  » de la ligue qui gagneraient trop d’argent alors que les superstars, comme Kobe Bryant ou Lebron James, n’en gagneraient pas assez. Des déclarations qui ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd : la N.B.A. vient d’annoncer son intention de renégocier le contrat qui le lie aux syndicat des joueurs, un contrat qui expire en 2011 comme le rappelle un article du  New York Times.

Ouvriers, unissez vous…et chantez!

Marx au coeur du capitalisme chinois crédit image: malias

Marx au coeur du capitalisme chinois crédit image: malias

Karl Marx est de retour dans l’Empire du Milieu. En grande pompe. Un directeur de théâtre chinois prépare une comédie musicale sur la base de l’oeuvre de Karl Marx, Das Kapital.  L’oeuvre, considérée comme le fondement du communisme, sera transformée en l’histoire d’un groupe d’employés qui se font exploiter par leur chef d’entreprise.

En plein dans l’actu, pensent les Chinois. Avec la crise, les mauvaises affaires et les bonus pour les dirigeants d’entreprises, les principes de Marx reprennent leur importance. Autant les rendre alléchant avec de la danse et de la musique.  » Nous allons rendre vivant les théories économiques de Marx dans une pièce intéressante, pédagogue et dans le vent. Ce sera très amusant à regarder ! » affirme le metteur en scène He Nian dans un article de la BBC. En effet, espère-t-il, il est possible que le public comprennent mieux le fond de la pensée de Marx. Une comédie musicale se suit tout de même plus facilement qu’une trilogie de 1000 pages.

Mais pas question de massacrer l’oeuvre monumentale de Karl Marx! Un professeur en économie, Zhang Jun, fera attention à la justesse du message délivré. De son point de vue, en tout cas, c’est un grand coup de marketing. « C’est le bon plan de faire cette pièce quand la crise économique fait partie de la vie des gens! Le metteur en scène va incorporer des éléments actuels dans le spectacle pour qu’il soit en rapport avec les sentiments et la vie des gens, » assure l’économiste.

Le lieu choisi pour la première de la comédie musicale  montre toute l’ambiguïté du projet. Shanghai, emblême du capitalisme et de l’argent facile, ne serait certainement pas du goût du vénérable auteur de Das Kapital. Le spectacle s’y tiendra l’année prochaine, dans le Centre des Arts Dramatiques. Pourtant, He Nian trouve le choix juste. C’est toute l’ironie de représenter Marx dans la ville chinoise la plus capitaliste, au moment même où le capitalisme semble s’écrouler. « Quand je vais dîner avec des amis, ils parlent toujours de réduction de budget et de licenciements » se rappelle le metteur en scène. Autant en rire, alors!

Isabelle Schäfer

La Mafia toujours plus riche

mafia

Les chiffres sont saisissants. Et vertigineux. Près de 130 milliards d’euros de chiffres d’affaires, autour de 70 milliards d’euros de bénéfices : voila les résultats de la plus grosse et  de la plus prospère holding italienne pour l’année 2008. Une entreprise qui ne connaît apparemment pas la crise. Son nom ? La Mafia.

Selon un rapport publié en novembre dernier par l’une des plus importantes fédérations d’entrepreneurs italiens, la Confesercenti,  l’activité mafieuse représenterait aujourd’hui environ 7% du PIB du pays.

Divisée en quatre branches locales et indépendantes, la Camorra napolitaine, la Ndrangheta calabraise, la Sacra Corona Unita dans les Pouilles et la Cosa Nostra sicilienne, la Mafia a engrangé en 2008 d’importants retours sur investissement dans des secteurs piliers de l’économie souterraine et illégale. Toujours selon le rapport de la Confesercenti, le trafic de drogue constituerait l’activité la plus rentable pour le crime organisé italien avec des recettes atteignant  59 milliards d’euros pour 2008. Viendrait ensuite l’usure, puis le racket, le trafic d’armes, la contrebande et la prostitution comme l’analyse la Tribune de Genève. Mais selon le magistrat anti-mafia Nicola Gatteri, cité par le site de l’Express, la priorité pour la Mafia « n’est pas de s’enrichir, il est de justifier sa richesse ». D’où l’importance de réinvestir l’argent sale dans des activités légales.

 » Le chômage, la restriction à l’accès au crédit ont été et continueront de constituer un terreau favorable au développement du système criminel » soulignait un rapport du Parlement italien publié le 10 mars dernier. Aujourd’hui, la Mafia semble bien profiter de la crise qui affecte les entreprises du pays pour consolider son empire financier. Avec un accès au crédit de plus en plus restreint par les établissement bancaires, les nombreuses sociétés en manque de liquidités se retrouvent obligées de faire appel aux usuriers de la mafia pour obtenir des prêts. En 2008, ce sont environ 180 000 commerces qui auraient eu  accès aux crédits distribués par la mafia, soit près de 12 milliards d’euros blanchis en un an selon l’Express. Secteurs les plus touchés par ce système parallèle : le tourisme , l’immobilier ou encore les petits commerces de détail. Des secteurs touchés par la crise économique.

Pour relancer l’économie italienne, le Président du Conseil Silvio Berlusconi a prévu de lancer sous peu un vaste programme de grands travaux. Une économie italienne relancée pourrait-elle se défaire de l’emprise mafieuse qui la gangrène ? Rien n’est moins sûr. Selon plusieurs analystes, ces projets d’infrastructures pourraient également être infiltrés par la mafia comme le rapporte une dépêche de Reuters.

Raphaël Malkin

 

Californie : après le rêve américain, le réveil est difficile

Après avoir enregistré en 2007 près d’un demi-million de saisies-arrêts immobilières, la Californie connaît une crise d’une exceptionnelle gravité. Cette crise se profilait déjà depuis 2006, et tous les indices économiques laissaient présager qu’elle serait particulièrement violente  dans le grand état de la côte ouest, comme le notait un article du Figaro il y a quelques mois.

 A la crise immobilière a succédé la crise du crédit, le fameux « credit crunch » qui a poussé hors de chez eux des centaines d’Américains, incapables de payer leurs loyers. Les foyers d’accueil des personnes les plus démunies ont été pris d’assaut et affichent complet depuis plusieurs mois. La seule solution qu’il reste aux familles qui ont été délogées : monter des tentes. Celles-ci se multiplient depuis quelques mois, et les alentours de la ville de Sacramento se transforment progressivement en un squat géant. 

 Trois cents personnes, souvent diplômées, en couple ou en famille,  qui réveillent les vieux démons : les souvenirs des campements au lendemain de la crise de 1929 sont présents dans les esprits de tous les Californiens. Un reportage photo du Daily Mail revient sur cette comparaison, qui hante les habitants. Pas de toilettes, pas d’eau courante, des conditions de survie qui tranche avec les espoirs des jeunes émigrés qui ont quitté leurs pays pour réaliser le rêve américain, comme en témoigne cette vidéo publiée sur lemonde.fr.

Le maire de Sacramento, Kevin Jonhson, a déclaré dans une interview qu’il envisageait la création d’un camping permanant à la disposition des sans-abris, soulignant néanmoins qu’il ne savait pas encore où celui-ci serait implanté. L’idée est de permettre au moins aux « habitants » de cette « tent city » de disposer de sanitaires. Selon un blog du New York Times, le Président américain Barack Obama aurait accordé à la ville de Sacramento, dans le cadre du plan de relance, 2,3 millions de dollars pour faire face à la montée des camps de sans-abris dans la région. Le problème étant régional, selon Mr Jonhson, les mairies alentours devraient unir leurs moyens pour proposer de meilleures conditions de « camping » au nombre grandissant de démunis (le nombre officiel de sans-abris à Sacramento s’élevant à 1226 personnes).

Etablir un campement permanant et légalisé par le gouvernement pose cependant de nombreux problèmes, que les propriétaires des terrains alentours n’ont pas manqué de soulever : une telle décision réduirait considérablement la valeur de leurs propres biens immobiliers, affectant encore davantage ceux qui peuvent tout juste encore payer leurs loyers, et ferait fuir les nouveaux habitants.

 Comme le souligne une enquête du NewYorkTimes, de nombreux logement sont inoccupés à Sacramento, et pourraient être transformés en centres d’accueil temporaires : 10,4% des locations sont libres, et 4,8% des propriétés sont inoccupées, un taux d’inoccupation de logements supérieur à la moyenne du reste du pays.  A cette suggestion, Mr Johnson rétorque que les logements privés ne peuvent être mis à disposition des plus démunis sans l’accord des propriétaires. Il affirme néanmoins poursuivre sa réflexion, cherchant différentes pistes, sur le court comme sur le long terme, pour permettre à ces centaines de victimes de la crise économique mondiale de retrouver leur dignité.

Célia Héron

Saint Patrick : le trèfle et la crise


Parade de la Saint Patrick à Birmingham, par Tim Ellis

Parade de la Saint Patrick à Birmingham, par Tim Ellis

Le soleil brillait haut et fort cette année à Dublin pour la grande parade de la Saint Patrick, des conditions suffisamment rares pour être soulignées par les journaux du pays. De quoi mettre du baume au cœur des Irlandais, dont même la fête nationale n’est pas épargnée par la crise. 

 

La tradition veut que chaque année les membres du gouvernement irlandais, le jour de la Saint-Patrick, s’envolent loin de leur pays pour se rendre dans la principales villes ayant accueilli des vagues d’immigration irlandaise.

Mais, crise oblige, cette année le premier ministre irlandais Brian Cowen a du justifier les dépenses occasionnées par le « Saint Patrick Exodus ». « Je sais que certaines personnes mettent en doute l’intérêt des ces voyages, en particulier en cette période de crise, mais La Saint Patrick donne à l’Irlande une tribune que tous les pays peuvent nous envier » , a-t-il déclaré une semaine avant la fête nationale.

Le chef du gouvernement irlandais, dont la côte de popularité a chuté depuis le début de la crise, a toutefois annoncé des restrictions sévères à la tradition : le nombre de ministres voyageant pour la Saint Patrick a été divisé par deux par rapport à l’année dernière.

L’exercice diplomatique de l’Exodus 2009 n’a rien d’anodin. Les dirigeants irlandais profitent de l’occasion pour tenter de rassurer leurs homologues sur les perspectives offertes par l’Irlande. A la Saint Patrick 2008, l’Irlande bénéficiait encore d’un taux de croissance de 4.7%, soit deux fois supérieur à la moyenne européenne. Aujourd’hui, le ministre des Finances Brian Lenihan doit se défendre à Londres de devoir bientôt recourir à l’aide du FMI pour son pays.

Comme ses autres collègues du gouvernement, il se livre à une véritable opération séduction. Brian Lenihan a ainsi rencontré des journalistes du Financial Times. La mauvaise publicité faite à l’Irlande par l’influent quotidien préoccupait le gouvernement. Le journal avaitdéjà publié en décembre une tribune vilipendant le « capitalisme cosy » à l’irlandaise suite au scandale touchant l’Anglo Irish Bank. Le ministre des finances en a profité pour annoncer un grand ménage dans les pratiques des institutions bancaires irlandaises.

Les fondamentaux du « Saint Patrick’s day Exodus » ont tout de même pu être respectés : Brian Cowen a remis au Président américain Barack Obama – qui possède, comme 44 millions d’Américains, un ascendant irlandais ! – le traditionnel bol de trèfles… avant de parler « business ».

Marion Solletty

 

 

 

Allemagne : face à la crise, on trouve refuge dans l’extrémisme

Une manifestation fasciste à Magdebourg, 17 janvier 2009. Sur la banderole:"Les meurtriers sont encore ici! Mettez les envahisseurs américains et britanniques dehors!"

Une manifestation fasciste à Magdebourg, 17 janvier 2009. Sur la banderole:"Les meurtriers sont encore ici! Mettez les envahisseurs américains et britanniques dehors!"

Avec l’inquiétude économique, la contestation monte aussi. C’est ce qui se passe en Allemagne.

Depuis le début de la crise financière, l’extrémisme a repris de la force, surtout dans les Länder à l’est, économiquement plus faibles.

Le président des services secrets intérieurs, Heinz Fromm, a déclaré, dans une  interview, que le parti d’extrême droite NPD aurait toutes ses chances d’entrer dans les parlements régionaux et donc de franchir la barre de 5% en 2009.

D’après lui, c’est surtout en Saxe et en Thuringe (ancienne RDA), où les sondages leur donnent régulièrement environ 4%, que les extrémistes tenteront le coup.

La NPD, mais aussi « Die Linke », le parti d’extrême gauche, sont vus essentiellement comme des partis de «contestation». Ils trouvent de plus en plus d’adhérents.

Heinz Fromm juge aussi que ces groupes deviennent plus violents. Un exemple : après une manifestation fasciste rassemblant 6000 personnes à Dresde, le 14 février, des jeunes sociaux-démocrates ont été attaqués par une quarantaine de néo-nazis, dans une aire de repos au bord d’une autoroute en Thuringe. Au moins cinq personnes ont été grièvement blessées et ont dû être transportées à l’hôpital le plus proche. D’autres cas ont été rapportés, allant de voitures saccagées à des bouteilles lancées sur des passants.

Le spécialiste de l’extrême droite de la fondation Friedrich-Ebert, Dietmar Molthagen, suppose qu’ « une montée des positions extrémistes de droite est probable, de même que l’idée d’un complot mondial du capitalisme juif, mais des chiffres concrets ne sont pas encore disponibles ». D’autres facteurs, tels que des problèmes internes de la NPD pourraient être aussi la cause des actes brutaux des dernières semaines, estime-t-il.

La parti social-démocrate (SPD) demande maintenant des mesures concrètes pour empêcher de telles violences. Certains membres vont même jusqu’à demander l’interdiction de la NPD. D’autres demandent des actions en justice.

« Une interdiction ne serait pas acceptée constitutionnellement », juge M. Fromm. Mais les services secrets intérieurs sont déjà sur leurs gardes.

Isabelle Schäfer